20 septembre 2010

Je vous déclare mari et Aaarghh....

Près de cinquante voitures sont garées dans la rue menant à la charmante église du méconnu village d’Oncle-sur-Mère. Elles sont toutes décorées de fleurs et de condoms gonflés, coutume locale lors des mariages.

Longeant la rue en se dirigeant vers l’église, un pigeon les survole. Il laisse tomber quelques fientes au passage, juste pour la forme, perpétrant ainsi la tradition et entretenant l’éternelle discorde pigeon-voiture.

L’affiche de plastique blanc ornant le parking annonce : Ce dimanche, l’union de notre chère Culbuta et M. Paul Lentier alias Paul « Tronc ». Une orgie bénigne à la salle paroissiale suivra la cérémonie.

Le pigeon se dirige vers l’entrée principale. Quelques retardataires se pressent dans le grand escalier de pierre. Comme s’il devinait les intentions du pigeon, un homme en smoking noir lève les yeux vers lui et s’écrit : « merde » (en effet).

Le volatile, indifférent, franchit les deux portes de bois hautes et larges et pénètre à l’intérieur. Il s’arrête pour prendre un bain d’eau bénite afin d’être digne du saint lieu. Se faisant, il scrute la fresque touchante composée par les convives devant lui.

À gauche, les invités de la mariée en nombre nettement supérieur; Culbuta tenait à se marier dans son village natal. Les femmes sont habillées très légèrement, à se demander si la robe du prêtre ne contiendrait pas suffisamment de tissu pour les habiller toutes. Toutes sont jolies et souriantes alors que les hommes sont beaucoup moins beaux, plus gros, plus vieux, mais tout aussi souriants.

À droite à l’arrière, quelques amis et membres de la famille du marié dont plusieurs éclopés.

À droite à l’avant, ses parents se tenant par la main. Elle n’a qu’un bras, le gauche, et lui le droit. À cause de cela, les gens ont tendance à croire que le fils soit un né-tronc, mais il n’en n’est rien. Les légendaires malchances familiales sont à la fois la cause de l’allure des invités, des parents, du fils et du peu d’assistance à son mariage.

Derrière l’estrade, un choeur d’enfants et d’adolescents barbus venus de l’étranger.

En plein centre, les troncs chouettement vêtus, le prêtre dans sa soutane blanche, K’pa et nul autre que Mister moi-même avec mon collant brun, cape d’apparat et mon rutilant super-casque ! Pas qu’il soit de circonstance, mais ça leur fait plaisir que je le porte.

(Je vous entendais chialer depuis le début: « Mais où est Mister ? C’est quoi l’affaire du pigeon ? Je comprends rien. C’est platte. Gnagnagna. Gna-gna-gna.» Calmez-vous, me voilà.)

Même quand on s’appelle Mister Boy, il y a des moments dans l’existence que l’on espère ordinaires, calmes, banals et sans anicroches : le mariage fait partie de ceux-là.

Jusqu’à lors, ça va comme sur des roulettes. Les convives baillent, sourient ou pleurent selon leur tempérament. La chorale fausse. Le prêtre est ennuyeux à souhait. Son visage m’est vaguement familier et je me désennuie en tâchant de me rappeler, un, où je l’ai vu et deux, qu’est-ce qu’il fera quand les troncs devront échanger les alliances ?

La cérémonie bat son plein lorsque je remarque que mon Popol semble distrait de son propre mariage. Il suit d’un regard intéressé le vol d’un pigeon qui est entré on ne sait trop comment mais que les gens ne semblent avoir remarqué, trop absorbés par le prêtre qui entame la phase du discours que tout le monde attendait.

- Si quelqu’un a une abjection (abjection, oui) à ce mariage, qu’il se taise à tout jamais ou périsse dans les feux éternels de l’enfer pour avoir gâché une si belle journée.

La voix du prêtre ne m’est définitivement pas étrangère… ça me chatouille les méninges, mais avec le pigeon qui s’approche de nos têtes, j’ai d’autres «chats» à fouetter dans mon super-casque.

- Madame Culbuta, désirez-vous prendre le scabreux mais aimant M. Paul Tronc ici présent pour époux ?

L’oiseau lâche un truc que je prends d’abord pour une fiente parce que c’est blanc et que ça tombe d’un pigeon, puis pour une plume parce ça descend plutôt lentement et, finalement, pour un minuscule carré de papier, parce que s’en est un.

- Oué, j’en veux, de répondre poliment la future madame Tronc (mais qui a déjà tout ce qu’il faut pour le rôle, comme vous savez).

Le papier tombe délicatement sur la table devant mon Tronqué, mais je n’arrive pas à voir à cause d’un gros et inutile cierge électrique. Le prêtre poursuit son oraison sans se préoccuper ni du papier, ni du pigeon, et encore moins du cierge.

- M.Paul « Tronc », né Lentier, désirez-vous prendre la ravissante mais souvent déplacée Culbuta ici présente pour épouse ?

À ce moment, Popol tente de lire le papier en ce penchant discrètement vers la table puisqu’il n’a toujours (hélas) pas de bras pour l’amener à lui.

- Hum ! Fait le prêtre sans même lever les yeux.

- Évidemment ! De répondre mon acolyte un peu brusquement.

Hums, toux et murmures de désapprobation du côté de la mariée qui, on le sait, est en avantage numérique.

Faisant fi de cela, n’écoutant que son courage, Tronc se penche toujours plus en avant pour arriver à lire le fameux papier largué par le pigeon. Il est à environ 3 pouces du visage du prêtre qui poursuit sans relâche vers la phrase finale. Ça y est je sais où je l’ai vu!!

- Je vous déclare mari et Aaarghh…

Popol vient de mordre le cou du prêtre!!! Hums, toux et murmures de désapprobation générale. Il va y avoir de la casse !

- Mes madames et messieurs, dis-je…

La chorale d’enfants barbus déchire à l’unisson ses vêtements pour dévoiler des nains (une troupe de nains pour être exact) armés de haches, nunchakus, grenades, statues de la sainte vierge et autres objets contondants.

La foule se met à hurler et se précipite vers les orifices (traduction locale des mots « exit » et « enter »).

Relevant la manche gauche de sa soutane, le prêtre dévoile un crochet (tiens donc?!) avec lequel il tente de déchiqueter le tronc du Tronc (hep), mais l’autre n’a pas lâché sa trachée qui se met à saigner et à fumer (je m’en doutais, vous verrez!).

- À l’abordaaage! crie-t-il au bord de la démence.

Les nains se massent vers nous comme une armée de nains.

K’pa en saisit deux et leur rote des clous dans les yeux.

J’attrape et relance tant bien que mal les grenades, statuettes et autres projectiles créant des ravages considérables aux biens et meubles de l’église. La cohorte se disperse en hurlant.

Le pigeon a définitivement montré qu’il est dans notre camp et fonce en piquée sur les petits hommes.

Culbuta, expédie les convives restants à coups de pieds au … (ah pis, depuis quand je suis prude) cul pour leur éviter le pire et revient se joindre à la mêlée.

Le prêtre s’est libéré et crache de sa bouche et de sa plaie à la gorge deux flammes (de plus en plus intéressant!!). Popol avale la première et sa femme la deuxième. Ça ne sent le pain à l’ail et à la chair humaine mais je crois qu’ils vont encaisser.

Je lance une statue sur le crâne du prêtre qui passe de vie à trépas sans plus de cérémonie ; mais son sacré feu (ou vice versa) ne s’éteint pas pour autant! Les derniers soubresauts du pyromane sont dédiés à K’pa et la demi-douzaine de nains qui l’assaillent. Les esprits s’échauffent et les barbes s’enflamment. Elle rote des clous dont le fer fond sur ses ennemis. Elle se prend des coups de nunchakus, sur les jambes, les bras et les épaules. Avec grâce et agilité elle se penche rapidement pour éviter la dernière étincelle de Feu Monsieur le curé (trop chaud Mister, tsssssss!). Un nain avec un genre de super-casque lui saute la tête la première au visage. Déjà inclinée qu’elle était, elle s’écroule… comme la tour de Pise si on ne la retenait pas.

Le nain s’élance alors à toutes jambes contre un mur et se donne un élan qui le propulse à quelques mètres dans les airs. Il attrape par les pattes le pigeon qui malmenait ses amis. À l’atterrissage, il lâche l’oiseau et lui cogne les deux ailes de ses mains à plat comme dans les films de kung-fu… ça tranche ! Du jamais vu ! Un pigeon-tronc. La famille s’élargie.

La pauvre bête s’enfuie d’un pas décidé (c’est boiteux, je sais mais) sous un des bancs renversé par l’explosion d’une grenade égarée.

Je regarde autour de moi et vois au ralenti la scène cauchemardesque. Les rideaux et les barbes en flammes. La pierre, le plâtre et le marbre dévastés. Le sang sur les camisoles déchirées des enfants de choeur. Mes alliés hors d’usage ou se débattant du mieux qu’ils peuvent. Les armes au sol et le cadavre du prêtre fou tenant encore sa gorge fumante.

Il n’y a qu’un moyen de stopper l’affaire : attaquer le chef de la bande ! Je fonce vers le nain au casque. Comme s’il avait eu la même idée, il fait de même. Chef contre chef. Couvre-chef contre… (est-ce que j’ose?)… couvre-chef (Yé!).

Je place mes deux mains à la base de mon super-casque, me baissant de plus en plus. Mon vis-à-vis fait pareil. À quelques mètres de distance, je ferme les yeux et m’envole, ni plus ni moins, à l’horizontale.

En une fraction de quart de seconde, je pense au choc à venir, j’espère qu’ils n’ont pas acheté de la camelote, je pense aux pensées du nain et (si on se fie à Lord of the rings) à leur savoir faire en matière d’armures.

CRRAAKCKCK!!! Ma tête ! Je me relève à demi conscient. Nos deux casques sont brisés sur le sol, reliques de cette hécatombe, mais le nain ne bouge plus. J’ai gagné!
Je regarde autour, mais contre toute attente, les autres ne fuient pas. Ils ont même l’air plus enragés.

Un d’entre eux essaie d’attraper le pigeon dont la cachette a pris feu. Un autre tire à lui seul le corps inerte de K’pa vers le brasier de bancs d’église. Un petit groupe encercle les Troncs qui en ont (si je puis me permettre) plein les bras. Ils repoussent à peu près les attaques mais dilapident leurs ressources mieux qu’un joueur compulsif devant une machine à sous.

Voyant cela, je devrais être complètement abattu mais je prends une grande respiration et m’abreuvant à la source de lumière délicate filtrée par les vitraux, je sens venir un deuxième souffle de vie, une énergie pure, probablement divine. Dans mon esprit, les tumultes du massacre cèdent soudain le pas à des arpèges de harpe. Mes muscles sont frais, ma conscience tranquille.

Je relève mes manches, me crache dans les mains, je saisis la barbe du premier nain passant à portée et je commence à réaliser un fantasme universel et ancestral de l’humain : jeter des nains méchants hors d’une église en flamme en les battant avec un autre nain en le tenant par la barbe !

Ceci étant fait, je récupère mes amis qui se remettent de leurs émotions. Nous annonçons aux convives que l’orgie devra se faire sans nous, ce qui n’est pas sans leur déplaire mais qui, au bout du compte, est tout de même mieux qu’une annulation.
On profite de leur départ pour tenir conseil dans les décombres fumants.

- Que disait le papier ? m’enquis-je auprès de Popol.

- Attention au prêtre, il est dangereux…

- Sais-tu d’où vient le message ?

- Comment-tu veux?!

Il n'a pas tort. Je commence à leur expliquer que j’ai reconnu le prêtre et comment j’ai reconstitué l’histoire de tous nos ennuis.

Dans toute ma magnanimité, je vous explique aussi pour vous garder dans le coup. Écoutez sagement et forcez-vous, diantre!

Les problèmes ont débuté le jour suivant l’entrevue pour mon acolyte. J’ai jeté mon dévolu sur Popol et il s’est fait attaqué. Ce jour là, j’ai retrouvé 500 numéros de téléphone mais je n’ai pas bien compris de quoi il en retournait. Peu après que Popol et Culbuta aient été mis KO, je m’associe à K’pa. Elle est aussitôt attaquée pour servir d’appât dans l’attaque qui mena à mon coma. Vous me suivez? À l’hôpital et depuis ma sortie, les embuscades se succèdent; échecs lamentables peut-être, mais c’est dangereux malgré tout.

J’ai reconnu le prêtre comme étant le #642 à l’entrevue, j’ai oublié son nom, Old quelque chose, mais qu’importe. Je soupçonne fortement que les 500 numéros appartiennent à d’autres candidats. Même débarrassé du pirate cracheur de feu, des nains et de quelques autres, on est loin du compte et, par chance pour vous, pas au bout de mésaventures (mes aventures, c’est comme vous préférez).

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