7 septembre 2010

Le fil

Mister B l’oeil vide, l’oeil froid, l’oeil sec, le regard hagard.

La rumeur circule, est-il vivant ? Est-il mort ? Retraité-anticipé? Misterboynappé?

De l’intérieur de ma tête, je regarde dehors par mon oeil vitreux. Je comprends plus rien. Chaise, draps, fenêtre, néon, soluté… de l’autre côté du hublot, les formes n’ont plus de noms, et les noms, plus de sens. Mon crâne est un sous-marin sans équipage, une boîte de taule vide.

J’ai mis mon cerveau à off et mon corps à moins que ça.

J’ai pas bougé, pas mangé, pas baisé, pas lavé, pas rasé depuis tellement longtemps que j’m’en rappelle plus.

Pourtant, depuis un moment déjà, quelque chose a changé dans mon décor.

Il y a eu une espèce d’éclipse de lumière très brève. Depuis, il y a un fil scintillant qui traverse mon champs de vision de haut en bas, ça me gène.

Cet événement a réanimé la conscience de mes signes vitaux. Je respire, mon coeur bat et je vois.

Ça a aussi réanimé mon intellect. Qu’est-ce que c’est que ce fil d’argent ?

Ça a même réanimé mes émotions. Il m’énerve ce fil.

Mais je suis toujours immobile, mon corps comme un vieux rocher trop de fois centenaire.

Dans un fragment de lucidité, une frêle petite bulle, j’ai compris que le fil est la clé pour me sortir de cette léthargie. Après tout, il a déjà commencé le travail de réanimation sans me demander mon avis.

Je dois comprendre… une éclipse, un fil brillant !?

À cause de l’angle de la lumière en provenance du plafond, je suis certain d’être couché, le dos légèrement rehaussé. Le fil part du sommet de mon crâne jusqu’à très loin en bas. Pour voir où il va, je dois reprendre le contrôle de mes yeux. On dirait que j’ai oublié comment m’en servir. J'essaie mais ils ne bougent pas, ils fixent.

À la 129e tentative, ils tremblent imperceptiblement. Ça fait mal. C'est rouillé et ça grince comme une chaîne de vélo après 40 hiver sous la neige. J'ai l'impression qu'on me passe une lame de rasoir enduite de venin dans l'oeil. Je pleure, MOI. Mais je crois que ça y est. On reste dans le domaine de l'infinitésimal et à côté de ça, une limace portant un casque passerait facilement pour un bolide F1, mais oui, ça bouge. Yoctomètre............ zeptomètre (vous connaissez?)....... attomètre..... douleur atroce... femtomètre... picomètre, nanomètre, micromètre (on y est presque)... trop mal... millimètre... 1-2-3-achevez-moi... 8, 9, centimètre. Eurhh.

Pour célébrer ce marathon de la micro distance, je reprends mon souffle et je souffre en silence. Je suis incapable de cligner des yeux. À mon corps défendant, je laisse donc tomber les larmes en prenant le temps de m’habituer aux nouvelles images.

Le fil se rend jusqu’à un truc que je reconnais comme mon pied malgré sa pâleur et les ongles longs comme des sabres. Entre mes deux pieds, une mosaïque de fils parfaite avec un point noir au centre.

Eh merde, j’en suis là! Une araignée installe son hamac sur mon corps pour une sieste!!

Trop d’inertie et de catatonie, ça pique dans tous mes membres, il est vraiment temps que je bouge mon corps d’athlète (avant qu’il ne m’en reste que les pieds).

Je me concentre sur chaque os, chaque muscle, chaque nerf en fixant l’insolente bestiole.

Je bondis en avant en criant de douleur et j’attrape la chose. J’ai besoin de reprendre des forces, là, tout de suite. Je la gobe.

En me massant la nuque d’une main, je libère mes cheveux et mes pieds de ce damné fil.

1 commentaire:

Je voudrais commenter cet épisode génial et rayonner par osmose pour une durée de 12 heures: