1 novembre 2010

Au port camarades

Dans ma giant caboche, sous mon super-casque, je m’étais dit que le plus difficile serait de se procurer l’argent de la rançon et que le reste serait un jeu d’enfant; que nenni !

Nous voilà donc au port, tout est calme, les bateaux amarrés grincent et s’entrechoquent doucement au gré des vaguelettes, ça sent les algues et le poisson pourri… il est près de minuit. Mes trois acolytes et moi allons en file indienne et en ordre de grandeur : Zachary, le pigeon tronc, éclaireur discret, ouvre la marche, suivi de près par K’pa, fière amazone, moi-même, cerveau et direction, et finalement Popol portant sur sa tête, comme une mama africaine son paquet de chiffons, le coffre rempli de bijoux et d’or exigé par le kidnappeur.

Hormis Popol qui trépigne à l’idée de revoir et de baiser (la main de) sa charmante épouse, on est pas trop nerveux; l’échange devrait être une formalité, du genre :

- Donne l’argent.

- Non ! La fille d’abord.

- Les deux en même temps alors.

- Ok, donne moi le pied de la fille et prends une poignée du coffre, on compte jusqu’à trois, on tire et chacun part avec son bagage.

- 1-2-3.

- Ce fut un plaisir de faire affaire avec vous.

- De même.

On cherche donc sans se presser le navire Grimaldine où doit se faire l’échange. Le voilà là (la la la). On se hisse tour à tour sur le pont, hop-hop-hop et hop. Le vieux fantôme d’Old Stinky Poop est là (je vous avais dit que c’était lui alors pas besoin de faire semblant d’être étonnés) entouré de plusieurs hommes déguisés en pirates qui détonnent dans cette marina de banlieue.

« À l’heure comme prévu, (fond de) tonne le chef de la bande. Amenez la fille! » Sur quoi, il snappe de ses doigts vaporeux. Trois gars viennent s’ajouter à la demi-douzaine déjà présente. Ils portent un tapis d’où dépassent des pieds furieux, se débattant comme au premier jour de la capture. Voyant cela, Popol émet un grognement sourd que je réprime d’un modeste coup sur le tibia.

- Vous avez l’or ? me demande le spectre.

- Bien sûr, dis-je en délestant mon compère du poids qu’il a sur le crâne. Voyez par vous-même, tout y est. J’ouvre le coffre pour qu’il voie combien ça brille.

- Maintenant, donne l’argent !

- Non ! La fille d’abord. (remarquez ici comment se créent généralement les impressions de déjà vu).

- Allez Mister, on connaît le protocole.

Ses gars approchent et nous tendent les pieds de Culbuta dont K’pa se saisit. J’offre une poignée du coffre à un de ses hommes. Et, troublant le calme portuaire, tous autant que nous sommes, on compte à voix haute, forte et enjouée :

- Un bateau-bateau, deux bateau-bateau… trois!!!

Ce qui s’est passé ici se déroule un peu vite pour vos yeux de taupe alors je vous le décris tranquille, de long en large.

Au compte de « deux bateau-bateau », les hommes se passent le coffre rapidement d’une main à une autre jusqu’à la cabine qui se referme net.

Au compte de « trois », K’pa tire sur les pieds qui sortent d’un coup du tapis dévoilant des jambes, des fesses, un ventre, des BRAS ?!? et une tête qui, quoi que (comment?) splendides à souhait, ne sont pas à Culbuta. À peine s’est-on aperçu de la traîtrise que nous sommes projetés par dessus bord, surpris par le bateau qui démarre et aidés par de généreux coups de pieds dans le bas-ventre.

Dans la flotte boueuse, K’pa et l’inconnue nagent avec grâce vers les quais tandis que je porte secours à Popol. Le gars se débrouille comme il peut avec ses jambes et tient Zachary dans sa gueule pour le sauver de la noyade… sort auquel le pigeon ne semble pas se résigner docilement puisqu’il roucoule à tout rompre, tant que faire se peut.

Je suis accueilli en sauveur sur la berge par deux filles trempées qui se livreraient une chaude lutte dans un concours de wet t-shirt. Mais on ne flâne pas et après une brève étreinte de chacune d’elles, je confie Popol et Zachary aux bons soins de la petite sirène et j’entraîne K’pa vers un bateau à moteur tout proche. J’eus préféré me faire donner le bouche à bouche mais le tout puissant, qui m’a fait à son image, me prive ainsi de ce menu plaisir.

L’avantage des excentricités de notre ennemi, c’est que son bateau à voile, aussi fier soit-il, ne se déplace pas comme notre yacht et on aura tôt fait de le rattraper.

[Laissons-nous sur cet extrait du prochain épisode…
- Je vous le demande pour la dernière fois (c’est aussi la première mais on sauve du temps) : où est Culbuta ?
- Mais puisque je vous dis que je ne le sais pas!!]

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