27 décembre 2010

Rififi dans la Twins Tower

Alors que nous courrons vers le bar, un message diffusé à l’interphone par une agréable voix féminine nous informe sur la teneur de la conversation téléphonique d’Œil Crevé dans le chapitre précédant :

- Chers clients et membres du personnel, cet hôtel est désormais la propriété des frères Twins ; ils le rebaptisent Twins Tower. La nouvelle direction suspecte l’indésirable présence de Mister Boy dans l’édifice. 100 000$ dollars sont offerts pour un bras ou une jambe, 200 000$ pour un organe vital, 10 000$ pour les menus morceaux et 2 millions pour le lot : présentez vous au bar pour votre récompense.

Ouch! Dans mon métier, les détournements d’avions et d’autos sont plutôt fréquents, mais un détournement d’hôtel avec rachat du personnel, c’est très fortiche! Même dans une île peuplée de bandits.

Déjà quelques portes s’entrouvrent dans le couloir. On va bientôt patauger dans les méchants. Heureusement, Le Tronc a la présence d’esprit de profiter à nouveau de notre déguisement. Imitant à la perfection une voix de femme de chambre hystérique, il crie :

- Il est parti par-là, en montrant du gros orteil la cage d’escalier la plus proche.

Trois types se lancent illico « à notre poursuite ». Un autre défonce la vitrine d’une boîte rouge contenant le kit d’urgence pour les incendies pour y prendre une hache avant de les suivre.

Ça me donne une idée! Je cours vers l’ascenseur au centre du couloir. Dans la cabine, j’appuie sur les 252 boutons et je ressors prestement. Je déroule le boyau d’arrosage, je vérifie s’il est bien fixé et je le balance par la fenêtre. Je demande à mes compères de descendre le long du boyau jusqu’à l’étage du bar (voir le tronc effectuer ce tour de force me tire presque une larme). Avant de les suivre, j’active l’alarme d’incendie.

En descendant le long du mur extérieur, je m’arrête aux fenêtres pour apprécier la contusion (comme disait Contucius) qui règne dans l’hôtel. Des gens affolés courent vers l’ascenseur : bloqué! D’autres se ruent dans les escaliers déjà trop engorgés. Des truands armés se tirent ou se taillent en pièces dans des clameurs et des cris d’agonie. Merveilleux!

À l’étage du bar, l’atmosphère est étonnamment tranquille. On entre discrètement par la fenêtre. On se dissimule derrière une plante touffue dont vous ne connaissez pas le nom et on attend de comprendre pourquoi c’est calme avant de tenter quoi que ce soit. L’explication nous arrive en deux parties.

Premièrement, une femme comme les autres (trop flou pour vous ; fin trentaine avec un chignon, c’est mieux?) se présente à la porte du bar avec un couteau de boucher et une jambe velue. La jambe ne lui appartient visiblement pas puisqu’elle la porte sur l’épaule. Œil crevé se montre avec un fusil de calibre… (je ne connais pas les fusils, j'en ai rarement besoin, alors j’approxime) gros. Il regarde la jambe. Il murmure quelque chose à la femme et pointe son fusil sur sa jambe à elle. Elle pâlit, laisse tomber la jambe velue et le couteau puis elle détalle. Il tire sur sa jambe à elle. La sauce gicle et la jambe se désintègre. La fille rampe à couvert derrière une autre plante dont vous (peu féru en botanique) ignorez aussi le nom.

Deuxièmement, la voix suave de l’intercom vient à nouveau nous traduire l’essentiel d’une conversation inaudible (c’est commode!) :

- Chers clients et membres du personnel de la Twins Tower. Après avoir reçu 102 bras, jambes, foies, rates et cœurs, nous annulons l’offre sur Mister Boy en pièces détachées. 2 millions sont toujours offerts pour le lot.

La suite va d’elle-même (vous devinez?). Je retire mon costume de femme de chambre et je demande au Tronc et (surtout) à K’pa de me transporter. Je fais semblant d’être mort et on les prend par surprise… ça c’est vu souvent et ça ne rate jamais (parlez-en aux troyens).

On se pointe à la porte. Œil Crevé vient rouvrir, excédé. Je ne vois pas son visage (n’oubliez pas, je fais le mort) mais je parie (ta bouille contre la mienne) que son expression change en me voyant : « Ha, ha! Les gars, on l’a eu! ». J'entends répondre l'autre frère et Old Stinky qu'ils ont visiblement (ou audiblement pour être exact) réussi à libéré. Je change de mains et on me jette au milieu du bar. Les pas de mes compères suivent de près.

J’écoute très attentivement pour être certain d’avoir les deux frères à portée de main avant de bouger. Pour le peu de mal qu'il peut faire, on s'occupera plus tard du fantôme.

- À propos de la récompense? demande K’pa nerveuse.

Si j’avais connu la suite, jamais je n’aurais échafaudé ce plan.

Tout s’écroule si subitement et dans une violence si unique aux frères Twins qu’il m’était impossible de venir voir le coup.

POW! POW! POW!

Mon cœur s’arrête, mes yeux s’ouvrent et je crie : K’PAAAAA!

Si je constate tout de suite qu’elle est intacte, je mets une fraction de seconde à réaliser que c’est sur moi qu’on vient de tirer.

La plaie sur mon ventre ressemble à une morsure de chien enragé. Je regarde les trous (calibre gros) et les lambeaux de chair blanche rose et rouge sans trop comprendre. Le sang fait de petites bulles par endroits.

Je regarde mes amis. Ils sont gris. Le Tronc se met à vomir. Je vous rappelle que K’pa peut s’évanouir sur commande : 3-2-1-pouf!

C’est ensuite que vient la douleur. Je suis cloué au plancher.

Les frères rient. Œil Crevé me demande :

- Tu croyais vraiment que je ne reconnaîtrais pas ton assistante et le type sans bras?

Comment peut-on rayonner d’intelligence pendant tant de chapitres et se fourvoyer bêtement au moment crucial? Je suis stupéfait par la grossièreté de ma propre connerie.

Ils s’approchent tous les deux, encouragés par le rire grinçant de l'ex-pirate ; j’aurai sans doute droit à une mort atroce et douloureuse... mais au moins elle sera longue.

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